« Quiconque n’a pas vécu
l’épreuve de la disgrâce, du dénuement et de l’accusation ne peut prétendre
connaître véritablement la vie.»
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De son ascension à sa
chute de la roche tarpéienne, il ne cesse d’apprendre et de chercher à
s’alléger de ses fardeaux, parvenant à trouver une forme de sérénité dans la
fuite, l’errance et le dénuement. Au long d’une vie riche en péripéties, des
ravages de la guerre de Cent Ans à la découverte d’un Orient bien plus raffiné
que la caste décadente et crasseuse des chevaliers français, de la cour du roi
Charles VII aux quatre murs d’une prison, des rencontres bouleversent sa
vie : ses amis — dont certains lui seront loyaux jusque dans la disgrâce —
mais aussi ses ennemis, et ce roi veule et mesquin, fascinant portrait en
ombres, tour à tour poignant et détestable, dont l’affection vous expose
à un danger mortel. Enfin, Agnès Sorel, maîtresse du roi, dont la beauté
et les qualités font à la fois une reine et une proie. Agnès Sorel est pour le
héros ce grand amour tapi en embuscade, espéré et redouté à la fois, paradis
défendu dont le goût n’est que plus intense de porter sa fin tragique et
inéluctable :
«Un grand
amour, quand il approche, se laisse précéder de signes qu’il nous est
impossible de déchiffrer d’abord. Ils ne nous deviennent intelligibles qu’après
le reflux de la vague, quand elle découvre sur le rivage le désordre des
souvenirs et des émotions. Alors, nous comprenons, mais il est trop tard.»
Ce qui passionne Rufin, et nous avec, ce n’est pas
le personnage historique mais le héros romanesque. « La seule manière de
le tenir vivant est de le plonger dans le liquide trouble et chaud de la
fiction romanesque », écrit-il en postface du roman. Pari parfaitement
réussi. C’est un homme de chair et d’os, de sentiments et d’angoisse, que l’on
suit dans les méandres d’une vie tumultueuse et captivante, jusque sur cette
île grecque perdue où il se terre comme un gibier traqué.
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« En dépouillant la nature
du sacré, ils l’ont laissée sans protection soumise à la volonté meurtrière des
hommes. Il suffit de voir ce qu’ils ont fait de leur île. Plus rien de vivant
n’y pousse et c’est eux-mêmes, maintenant, qu’ils déchirent. S’ils sont un jour
maîtres de toute cette terre, ils en feront un champ de mort. »
Jean-Baptiste Poncet, Just de Clamorgan ou Jacques Cœur ont en commun de
trouver dans l’aventure et le voyage au long cours une manière d’échapper à un
horizon socialement fermé et de donner chair à leurs rêves. Au risque d'aiguiser les jalousies et de
déranger ceux qui gardent férocement les barreaux de l’échelle sociale, et de
se voir précipités en bas. Quant aux femmes, il leur faut ruser, armer leur
beauté d’une volonté d’airain, travestir leurs sentiments et leur féminité pour
conquérir une liberté d’agir et d’aimer, et préserver par une morale
personnelle qui ne s’encombre pas de bienséance une singulière pureté dans la
fange qui les entoure. Alix de Maillet, Colombe de Clamorgan ou Agnès Sorel,
l’auteur aime ses héroïnes libres et impétueuses, même si cette indépendance
reste relative et précaire et si le destin d’Agnès, comme celui de Jacques Cœur, repose sur le caprice d’un roi
inconstant.
De l’Abyssin au Grand Cœur en passant par Rouge
Brésil, les héros de Rufin découvrent que la sauvagerie des contrées
« barbares » est toute relative en comparaison de celle des peuples
soit disant civilisés. Ils luttent pour les préserver de l’influence nocive des
colonisateurs et de l’arrogance des religieux. Dans ce combat perdu d’avance,
ils laissent leurs dernières forces et leurs illusions avant de glisser à leur
tour dans l’anonymat des parias, là où le bonheur demeure encore possible, loin
des compromissions et des tyrans capricieux. Tels ces marins arabes naturellement doués pour
le carpe diem :
« — Tâchons d’être comme
eux, se dit Jean-Baptiste. Il s’agit d’éprouver seulement ce qui arrive et de
ne point dresser son esprit contre le bonheur. »
Embarquez avec Jean-Christophe Rufin, car qui sait ce qui vous attend au bout du voyage?...
Gaëlle Nohant.
7 commentaires:
ohhhh tu donnes envie là, je n'ai jamais lu cet auteur mais jacques coeur quand même c'est très tentant !!!!
Yue : Te connaissant, à mon avis tu vas te régaler avec ce roman ! Il y a un côté absolument non didactique dans ce roman, un parti pris de romanesque (même si le livre s'appuie sur des recherches sérieuses et précises) qui fait qu'il se lit avec plaisir.
Comme ma copine Yue, jamais lu cet auteur non plus. Je pense avoir un roman à la maison mais je n'ai jamais tenté le coup. Mais ce billet donne envie, en tout cas!
Merci Karine ! Pour être franche je n'avais jamais lu de Rufin avant de lire ces trois-là, et je me suis régalée, en particulier avec Le Grand Cœur qui est vraiment un régal de lecture. A bientôt :-)
Coucou, de passage pour te conseiller (si tu ne l'as pas déjà lu), "L'oiseau Canadèche", de Jim Dodge.
Fous-rires garantis toutes les 3/4 pages ! ^^
Pour Monsieur Rufin, je vais regarder à la bibliothèque municipale (où je suis toujours bénévole, vui vui !).
Biz
Coucou Tatooa, comment va ?
Je n'ai jamais lu Jim Dodge, merci de ton conseil !
A bientôt j'espère, bises et bon été !
Good rreading
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