27 juin 2006

Sur la piste de Dracula, Episode 3 : Sous le mythe, l'épouvante du monstre humain

Bonsoir à tous et à toutes !

Ma petite quête touche à sa fin, et je peux maintenant vous confier son point de départ : j'en reparlerai dans le prochain billet, mais il y a six semaines de ça, en vagabondant dans une librairie (mon second loisir préféré, avec regarder et écouter vivre les gens en buvant un café matinal), mon œil fut attiré par un livre dont les deux volumes sortaient en même temps, exception appréciable pour une lectrice aux yeux plus gros que le ventre, et que cette impatience a parfois détournée de la bande dessinée, où il faut attendre des lustres entre deux épisodes... Ce livre, c'était l'Historienne et Dracula d' Elisabeth Kostova, et si j'ai bien fait mon boulot, à la fin du prochain post vous partirez tous en vacances avec les deux volumes dans vos bagages, sans protester que ça rajoute du poids. Elisabeth Kostova a travaillé dix ans sur Dracula pour écrire ces deux tomes, et moi qui viens d'y passer un mois entier pour à peine effleurer le sujet, je peux vous dire : son livre mérite que vous emportiez les deux volumes en plus dans vos valises. C'est un roman qui vous séduira d'emblée, qui vous captivera tout au long, et surtout qui provoquera chez vous deux envies irrépressibles : d'abord, visiter tous les lieux dont elle parle et qui émaillent la quête très particulière de ses héros, de la bibliothèque d'Oxford à l'abbaye de Saint Michel de Cuxa, de Collioure à Raguse, de Venise à Istanbul et de Budapest à l'île monastère de Snagov. Ensuite, tout le long, comme moi, vous vous demanderez ce qui est vrai, ce qui est faux, tant son intrigue est trempée dans l'Histoire, du XVème siècle à nos jours. La modernité de son roman, c'est d'avoir, ainsi que l'avait déjà ébauché Coppola, raccroché Dracula à son mythe en remontant à la source, mais pas avec des à peu-près, pas en en faisant un comte transylvain comme Bram Stoker. Non, en trimant dans les bibliothèques pour, avec la méticulosité d' une archéologue, dépoussiérer la vérité horrifiante de Vlad Tepes, dit Drakula.
D'ores et déjà, je préviens les chochottes que nous sommes tous à des degrés divers : vous pouvez y aller, même si vous avez peur de vous relever la nuit quand retentit un bruit inexpliqué. Vous pouvez le lire, vous ne tremblerez que d'excitation. Ce n'est pas horrifique, mais inquiétant et palpitant.
Enfin, moi, cela m'a poussée à chercher, comme les personnages du livre, à démêler le vrai du faux dans cette histoire d'Empaleur de Turcs et de vampire. Je vous préviens, si Elisabeth Kostova a travaillé dix ans son sujet, c'est qu'il y a de la matière. Je suis une petite joueuse, et autant vous prévenir que je ne maîtrise pas parfaitement l'histoire politique fort complexe de l'Europe de l'Est et des Balkans au XVème siècle, malgré mes efforts, car je me suis efforcée de m'y retrouver dans ces guerres permanentes entre Saxons, Valaques, Moldaves, Hongrois, Ottomans... et j'en passe.

Donc ce soir, je vais vous présenter Vlad Tepes, le vrai, et vous allez regretter le vampire, croyez-moi. Aussi vrai que les mythes servent à protéger les hommes de la monstruosité à visage humain, et les contes de fées à dire l'indicible. Aussi, pour m'aider à approcher le monstre historique, je vais convoquer quelques figures célèbres, comme Gilles de Rais, un contemporain de Vlad, ou Richard III selon Shakespeare. Parmi mes sources, pour les plus curieux, je peux signaler l'aide inestimable que m'ont apportée le livre de l'universitaire Denis Buican, Les métamorphoses de Dracula, et le Dracula de l'historien roumain Matéi Cazacu : les deux ouvrages sont passionnants, érudits, regorgent d'anecdotes, et font le lien non seulement avec le mythe du vampire, mais aussi avec les autres "vampires" trop réels de l'Histoire, dont la sinistre filiation s'étend telle une traînée de sang qui va s'agrandissant au fil des siècles, de Vlad Tepes à Ivan le Terrible (en passant par Gilles de Rais et l'épouvantable comtesse Bathory), d'Hitler à Staline, et de Staline à tant d'autres aujourd'hui qu'on peut se demander ce qui reste de l'homme quand tant d'hommes sont devenus la proie de leur propre bête.

Mais il est temps : remontons le cours des siècles, et transportons-nous du côté des Carpates, au milieu du XVème siècle.
A cette époque, la Roumanie était constituée de trois principautés bien distinctes, gouvernées par des lignées royales rivales, souvent en guerre les unes contres les autres : la Transylvanie, la Moldavie et la Valachie.
Vlad Tepes était un "voïevode" de Valachie, mot qu'on peut traduire par "prince commandant". Il descendait d'une lignée royale, la lignée des Besarab. Sa mère était sans doute d'origine transylvaine, mais son père, Vlad Dracul (le Diable en roumain, mais aussi le Dragon) était déjà un voïevode de Valachie. La Valachie était un petit état d'environ 400 000 habitants, autrefois peuplé par les Daces, puis envahi par les Romains, puis par les Huns, qui luttait ferme pour son indépendance mais qui hélas ne faisait pas le poids, coincée qu'elle était entre de puissants voisins, au premier rang desquels la Hongrie et la Moldavie, et de l'autre côté l'Empire Ottoman, qui avait déjà conquis l'Empire byzantin, la Bulgarie et la Serbie, et lorgnait à présent vers la Transylvanie, la Moldavie, la Valachie et la Hongrie, pays riches en ressources naturelles et en villes commerçantes prospères. Du temps de Vlad Dracul le père, Les Turcs avaient à leur tête le sultan Mourad II, un homme que l'on a dépeint ainsi après sa mort, le 13 février 1451 : "homme doux qui avait la chance de son côté. Il ne fit la guerre que pour se défendre ; jamais il n'attaqua injustement." On dit aussi de lui : "Mais sa colère ne fut jamais de longue durée, car le barbare ne poursuivit pas ses victimes, car il ne voulait la destruction totale d'aucun peuple."

Ces mots peuvent paraître ironiques mais pour l'époque ils montrent un homme plutôt civilisé...

Son fils, Mehmed II, était décidé à rompre avec la tradition de relative clémence de son père, et il le montra d'entrée de jeu par un signe fort envoyé au monde chrétien : la prise de Constantinople, en 1453. Fini de rire, semblait dire le Croissant à la Chrétienté, et à partir de là, les "traités de paix" des Ottomans ne seraient que des somnifères destinés à endormir l'ennemi le temps nécessaire à le réduire à merci. Mais sur sa route qui avait tout du raz de marée et que rien ne paraissait pouvoir arrêter, l'Empire Ottoman croisa quelques têtes brûlées, dont Jean Hunyadi, roi de Hongrie, et Dracula, le fils. Qui, lui aussi, était bien décidé à inaugurer une ère nouvelle...
Mais avant cela, il faut resituer un peu le contexte familial de notre ami Dracula. Son père était en paix avec le Grand Turc, ce qui incluait plusieurs clauses chères payées : il devait permettre l'accès libre par son pays à la Transylvanie, et même servir de guide pour des raids ottomans éclairs, deux à trois fois l'an, pour aller piller la Transylvanie et enlever ici ou là des jeunes gens qui seraient vendus comme esclaves ou enrôlés dès l'enfance dans le corps des Janissaires : la garde rapprochée du sultan, faite d'enfants volés, rééduqués à la dure, qui n'avaient plus de famille que l'armée turque, et qu'on dressait à devenir des ennemis de leurs parents et de leur pays d'origine. Ils étaient réputés sans peur et sans conscience. Tout un programme. Autre clause du traité de paix : le voïevode valaque devait livrer chaque année un tribut exorbitant en ducats au Grand Turc, et lui envoyer des otages de prix, parmi lesquels son fils aîné ! Or, Vlad Dracul avait deux fils d'une première épouse, Mircéa et Vlad, et un autre fils d'une seconde épouse. Ne voulant sacrifier son aîné, il expédia au sultan Mourad ses deux cadets, Vlad II (qui avait 13 ans) et Radu, futur "mignon" du sultan Mehmed sous le nom de Radu Le Bel, qui en avait cinq. Tous deux furent "éduqués" d'abord dans une prison, puis à la cour du Sultan, et c'est probablement là-bas que Vlad Tepes apprit non seulement le turc, qu'il parlait couramment, mais à manier le pal. Car c'était un supplice grandement prisé de l'autre côté du Danube. Vous croyez connaître le pal, cette tige de bois sur laquelle on embrochait un condamné avant de la planter dans la terre pendant qu'il agonisait, entraîné par le poids de son corps, jusqu'à ce que la pointe ressorte par la poitrine ou l'aisselle ? Peut-être ignorez-vous que par un raffinement de cruauté, cette tige de bois qu'on enfonce "par le fondement" n'était pas pointue, comme on imagine souvent, mais un peu arrondie. Pourquoi, me direz-vous ?
Parce que, comme nous l'explique le Grand Dictionnaire du XIXème siècle," ... s'il en était autrement, la pointe, transperçant tous les organes qui sont sur son passage, déterminerait très vite la mort. Mais la tige étant arrondie, au lieu de transpercer les organes, elle les refoule, les déplace et ne pénètre que dans les tissus lâches. Ainsi, les grands appareils vitaux n'étant que peu lésés, la vie peut s'entretenir encore pendant quelque temps, malgré les souffrances épouvantables que cause la compression des nerfs."
Les victimes pouvaient survivre jusqu'à trois jours...

Dracula avait commencé son éducation en pays valaque, terre de la forêt et des chevaux : la force des Valaques était la cavalerie légère, leurs archers vivaient à cheval, leurs chevaux, bien que petits et rammassés, étaient réputés dans le monde entier pour leur endurance, leur aptitude à vivre des semaines au rythme du cavalier en guerre, presque sans s'alimenter si besoin était. Chez les Turcs, il découvrit l'art d'être obéi parfaitement, qui n'existait pas dans son pays natal, où tous les fils légitimes ou illégitimes d'une lignée royale étaient des prétendants légitimes au trône, et où monter sur le trône était le plus sûr moyen d'abréger ses jours : les voïevodes régnaient en moyenne un à trois ans avant de se faire assassiner par un boyard rival, c'est à dire un noble roumain. Les fils aînés de lignée royale avaient une marque au fer rouge tatouée sur le corps, souvent l'emblème de leur maison. Vlad le père appartenait à l'Ordre du Dragon, société secrète que vous découvrirez davantage si vous lisez le roman d'Elisabeth Kostova... Bref. A la cour du sultan, tout le monde s'agenouillait ou mourait sur le champ. Dracula y prit le goût du pouvoir absolu. Mais l'appliquer dans son pays rétif et turbulent était une autre affaire... Pendant qu'il était en Turquie, son père et son frère furent d'ailleurs assassinés par leurs pairs, et Mircéa, le frère aîné, eut droit à un traitement spécial : il fut enterré vif. Vlad Tepes avait donc, avant même d'être rentré chez lui, des comptes à régler. Il commença par prendre le pouvoir en Valachie à 19 ans, par un coup d'Etat, pendant que Vladislav, le voïevode en place, était occupé à guerroyer contre les Turcs sur les bords du Danube avec Jean Hunyadi. Qui va à la chasse perd sa place... mais en rentrant Vladislav dégagea le voleur de trône en deux temps trois mouvements, et celui-ci ne dut son salut qu'à une fuite rapide en Transylvanie, après un règne qui n'avait pas duré deux mois ! Plus tard il remonta sur le trône valaque avec l'aide du souverain hongrois. Ce fut, entre 1456 et 1462 son deuxième et plus long règne, et aussi le plus sanglant. Il s'y illustra à la fois par une bravoure guerrière qui force le respect, repoussant 30 000 Ottomans avec 5000 soldats jusqu'au-delà du Danube, provoquant l' ire de Mehmed II au point de focaliser toute son attention, déclenchant une vraie guerre dont l'objectif était "détruire le Valaque"... mais parallèlement à ce courage de guérilléro assorti de ruse et de génie tactique, il commença à forger sa "légende noire" en empalant ses "ennemis" à tour de bras, noyant son règne dans le sang, dans l'espoir de faire taire les boyards et de décourager tous les rivaux à venir. La raison d'Etat lui servit d'excuse, comme c'est toujours le cas, pour assouvir ses pulsions les plus dévastatrices et les plus sadiques. L'homme qu'aime si ardemment Mina Murray dans le film de Coppola, dans la vraie vie, n'hésitait pas à faire éventrer une concubine qui se prétendait enceinte de lui, pour vérifier si c'était vrai. Avec un sens de l'humour aussi noir qu'égalitaire, il empalait les puissants plus hauts que les manants, les hommes d'Eglise sur des pals faits de bois précieux... mais aussi les enfants au sein de leurs mères. Une forêt de pals sous laquelle, dit-on, il prenait ses repas, sur une table arrachée à un maître-autel. Comment justifiait-il d'empaler les nouveaux-nés sur le sein maternel ? Très simplement : ils étaient des "ennemis en devenir". C'est exactement l'argument que reprendra Richard III dans la pièce de Shakespeare, quand il réclame la tête de deux enfants, fils de son frère mort, enfermés dans la Tour de Londres. Ces enfants sonts "deux profonds ennemis, deux adversaires de mon repos, qui troublent mon doux sommeil". Ces enfants vont grandir et un jour ils l'enverront pourrir en prison, ou l'égorgeront pour lui voler le trône.

Mais tout cela bien sûr n'est que la justification du sadisme, de l'appétit de pouvoir, de l'ivresse de sa propre impunité. Les bourreaux ne s'y tromperont pas qui décriront ainsi le crime :

"Ainsi, ainsi, les innocents s'enlaçaient l'un l'autre dans leurs bras d'albâtre ; leurs lèvres étaient quatre roses rouges sur la même tige, se baisant toutes dans l'épanouissement de leur beauté. Un livre de prières était posé sur leur oreiller : à cette vue, dit Forrest, j'ai presque changé d'idée. [...] Nous avons étouffé le chef-d'œuvre le plus charmant que, depuis la création, ait jamais formé la nature."
N'est-ce pas là l'aveu du blasphème ? Assassiner la beauté de la création au nez du créateur ?

On retrouve chez Dracula la même impunité, le même goût du blasphème : il fait égorger plus de cinquante boyards au cours d'un banquet du dimanche de Pâques. (500 selon la légende, 50 selon les historiens...) Il fait lire l'office des morts devant un condamné, juste devant la tombe qu'il a fait creuser à son intention avant de le faire décapiter. Ce n'est pas par respect pour la religion Orthodoxe, on s'en doute. Non, il rit à la face de ce Dieu qui le laisse massacrer la terre entière, les bébés vagissants sur leurs mères, les innocents au milieu des "coupables", et cela, longtemps, avec la bénédiction des puissants, et même du pape Pie II qui voit en lui un courageux défenseur de la Chrétienté... Son rire est un rire sardonique, qui signifie convulsif, proche de la grimace. D'où le vampire, bien sûr. Un homme qui de son vivant n'avait pas peur de Dieu, qui appelait sur lui sa foudre, qui riait à la figure du Christ en se baignant dans le sang de ses victimes, ces agneaux sacrifiés à son bon vouloir, à sa toute puissance. D'un tel homme, on ne peut croire qu'il est mort et bien mort, que la pourriture l'a gagné comme elle dissout les gens du commun. Un tel homme hante encore les esprits des générations et des générations après son temps. Jusqu'à devenir un mythe. Il y eut après la mort d'Hitler des rumeurs incrédules, peut-être n'était-il pas mort dans l'effondrement de son bunker. Peut-être Staline se relevait-il la nuit de son tombeau pour finir le travail. Il y a toujours du travail à finir. Nul boucher de l'histoire n'est assez perfectionniste pour survivre à son règne, il reste toujours un survivant, un témoin, un assassin pour anéantir le grand assassin, un tribunal pour rattraper l'impuni. Mais plus ils sont puissants, plus ils sont cruels, plus longtemps ils tuent impunément.

Il est temps de parler de Gilles de Rais. Car au printemps des monstres, à l'heure de leur éclosion, que nul ne peut prédire avec exactitude, il est toujours une donnée essentielle à leur venue au monde : la permission du massacre, accordée par une haute autorité dotée d'une idéologie, qu'elle soit religieuse ou laïque. La cause se prétend toujours juste et sainte. Elle pousse les hommes en avant, allez, courage, mes assassins, allez gagner votre paradis sur terre ou mieux, par-delà la terre, allez tuer des innocents, mais non, ce ne sont pas des innocents que vous massacrez, ce sont des ennemis, des symboles, des non-êtres, des animaux, des impies, des unités.

Je vous bénis, vous qui allez donner la mort, au nom de la République ou du Roi, de l'Empereur ou du sultan, du pape ou du prophète, au nom de Dieu, même, voyez, rien n'est trop beau pour vous. Gilles de Rais n'est pas devenu en un jour ce monstre qui riait en égorgeant des petits garçons dans les souterrains de ses châteaux de Tiffauges ou de Mâchecoul. Pas plus que Dracula n'est né à lui-même en faisant un pacte avec le Diable sous une forêt de pals. Cela s'est produit en amont, quand ils tuaient avec la bénédiction des puissants et de la Religion. Quand ils faisaient la guerre sainte, cette hypocrisie qui voile l'avidité des Etats à manger les autres, qui civilise le monde en piétinant les cadavres des civilisés, et qui envoie aujourd'hui de pauvres hères se faire exploser au milieu d'une foule choisie symboliquement. Une jeune femme écrivain a eu l'audace de se mettre dans la peau de Gilles de Rais, maréchal de France, compagnon de Jeanne d'Arc dans la guerre de cent ans, violeur et tortionnaire d'enfants. Son nom est Isabelle Sorente, son livre a pour nom Le cœur de l'ogre.
En voici quelques extraits, où Gilles, par la voix superbe d' Isabelle Sorente, nous conte sa guerre de cent ans, là où tout a commencé, là où le chant des anges s'est mêlé à des accents proprement infernaux :

" Au grand galop jusqu'au champ de bataille, sabrant le paysage, mon ombre se transforme. Poussant des cris, des hurlements bientôt, je ne suis plus un homme. Je me jette en avant, me déchaîne, pire qu'un loup. Une bête. Quand mon épée plonge dans un corps plein de vie, la bête le ressent, ses nerfs enlacent la lame. Le sang coule, la bête s'exaspère. Alors hurlant, aboyant, saccageant, elle est toute une meute.
Je l'ai su dès le premier combat, il ne s'agissait pas seulement de ce savoir ancien que les guerriers partagent avec leurs prédateurs, en imitant parfois l'apparence pour forcer les secrets terrifiants de la rage. Il ne s'agissait pas seulement de bravoure. Mon courage avait beau soulever mes hommes, nous faire prendre des places inexpugnables, les soldats avaient beau m'acclamer et me suivre. je l'ai su dès le premier assaut.
Au milieu du sang et des cris, je bandais.

[...] Qui reconnaît le sang au milieu du sang, qui entendrait les cris dessous les cris ? J'éventre, je jouis, et puis j'éventre encore.
Je suis un criminel.
Dès le premier assaut, j'ai su.

Plus tard, à mon procès, j'ai confessé ces crimes-là comme les autres, ceux de ma gloire comme ceux de ma perte. Mes juges ne voulaient pas les entendre. Ils ne voulurent pas les juger, ces premiers crimes de jouissance dissimulés par la guerre. Ces crimes qui ont remporté la victoire.
La campagne prend fin, acclamez le héros... Mes faits d'armes me valent les honneurs du roi, de la Cour. Jeanne d'Arc me veut à ses côtés, pour ma passion du sang que tous appellent courage. Nous irons libérer la ville d'Orléans.

L'héroïne est bientôt brûlée.
Moi le criminel, je deviens maréchal.

Comment savoir ce que Dieu aime ?

[...] Je suis un criminel, le maréchal de France. La guerre s'achève et me laisse en cette place, la conscience éventrée. J'ai ouvert les corps. Je me suis enivré d'entrailles. J'ai vu les viscères et l'intérieur de l'homme.
L'intérieur, l'intérieur inconnu.
[...]
Maintenant, la guerre prend fin.

Jouir.

Mais de quoi ?"


Gilles de Rais, comme Vlad Tepes, a besoin de sang, toujours plus de sang, des tortures toujours plus élaborées, des forteresses, des nids d'aigle pour se protéger car la terre est pleine d'ennemis qu'on a semés derrière soi, mais aussi pour cacher ses secrets inavouables, le catalogue des horreurs perpétrables, de Tiffauges à Poienari, et jusqu'au monastère de Snagov, que l'on hérisse de remparts, où l'on creuse des salles de tortures... Mais Don Juan, qui voyait surgir la statue du Commandeur à son heure dernière, avait bien de la chance. Pour Vlad, pas de Commandeur surgi de la nuit ou de l'aveuglante clarté, nul Châtiment l'atteignant de plein fouet comme la foudre... comme Gilles, sa "légende noire" le rendra infréquentable — tous les secrets transpirent — plus personne ne voudra ou ne pourra plus s'allier avec lui, il devra se méfier de tous et de toutes, se garder à chaque instant, ne plus s'assoupir... Vlad finira décapité, probablement par des gens de son propre camp achetés par les Turcs. Sa tête sera portée en triomphe à Istanbul, exhibée publiquement, comme un royal trophée de chasse. La Comtesse Bathory, protégée d'un procès public par sa royale ascendance, sera emmurée vivante... Et Gilles aura finalement plus de chance, si l'on peut dire, car il sera rattrapé par l'Inquisition, jugé et pendu au dessus d'un bûcher. L'Inquisition : peut-être ce qu'on pouvait trouver de plus proche d'un "jugement divin", au XVème siècle... ils avaient brûlé une sainte avec Jeannne d'Arc, ils se rattraperaient avec un coupable avéré. Mais ce jugement de Dieu prétendu était toujours mieux que le silence métaphysique infini de l'impunité. Gilles de Rais avoua tout avec un certain soulagement, se repentit sincèrement. La ville de Nantes toute entière, gagnée par la pitié, pria pour lui. Lui qui avait volé, violé, torturé leurs enfants, aidé de ses sinistres pourvoyeurs, car il n'est pas de tyran sans ses âmes damnées, ces mercenaires qui raptent les innocents par tout le royaume. Les tueurs en série veulent qu'on les arrête. Ils laissent des signaux. Gilles de Rais voulait qu'on l'arrête. La bête en lui avait presque tout dévoré de l'humain. Le peu qui restait n'était qu'une épouvante. Le face à face avec le monstre en soi-même, quand il n'est plus d'autre interlocuteur, quand même Dieu se refuse, après qu'on a fait de tous les autres hommes des objets dont on démonte les mécanismes comme des ventres d'horloges, n'est-ce pas là l'enfer, l'enfer bien terrestre, bâti soi-même, meurtre après meurtre ?
Dracula une fois mort est devenu un mythe. Le mythe d'une âme errante, condamnée à se nourrir de sang, encore et encore. A ne jamais voir le jour sous peine d'y être consumé. A se cacher toute l'éternité, à être traqué comme de son vivant, quand il menait seul contre tous sa dernière guérilla dans les sombres forêts des Carpates.

Mais ceux qui lâchent la bête en l'hommme, ceux qui donnent le signal de la tuerie, ceux qui bénissent les génocides, ceux qui ferment les yeux et se lavent les mains, tant qu'on fait du chiffre d'affaires, les voyez-vous hantés par leur conscience ? Les voyez-vous sur le banc des accusés de l'Histoire? Ont-ils le sommeil troublé ? Il ne semble pas. Ils inventent même des dogmes d'infaillibilité papale rétroactifs, ils font des martyrs de pauvres diables dont ils ont souillé les mains et la conscience à jamais. Tout va bien pour eux. Aussi, quelque soit l'aversion instinctive qu'inspirent les Vlad Tepes et les Gilles de Rais de l'histoire, peut-être pouvons-nous les rejoindre et les prendre en pitié, là, dans leur ultime solitude, ce moment d'épouvante devant ce qu'ils sont devenus, prisonniers de leurs bas-fonds, ce lieu vide où leur hurlement se répercute sans fin, rencontrant des murs épais qui masquent le Néant.

La prochaine fois, nous passerons à des choses plus légères, le livre d'Elisabeth Kostova vous épargnera cette plongée à l'intérieur du monstre... Mais pour ce soir, laissons le mot de la fin à Isabelle Sorente :

"Mieux vaut rencontrer celui qui admet voir en lui quelques tigres et laisse dans son sang s'ouvrir des roses monstres, les assouvit dans les étendues illimitées de l'esprit discontinu ; puis quitte cette sanglante influence et poursuit une mue d'arc-en-ciel déraisonnable.
Mieux vaut ne pas croiser la route de celui qui dit "le rouge m'est étranger", et dont les mains à son insu, déjà, se changent en armes. "Le rouge m'est étranger", maintient-il, et alors incapable de nourrir le besoin de couleurs, il ne peut se glisser jusqu'à la mue suivante ; bientôt il se confond entier à l'image qu'il refuse.
Il n'est plus qu'une lame qui plonge dans la plaie ; une plaie dans une âme."


Bonne nuit, chers lecteurs, et à bientôt pour une page plus légère... même si regarder en face, l'espace d'un instant, le monstre tapi à l'intérieur de nous, m'a toujours paru une mesure salutaire... et préventive. Car ce n'est pas une faiblesse de deviner ce monstre en nos tréfonds psychiques les plus inconnus, au milieu d'autres démons et merveilles, mais une force qui nous permet de rester au aguêts. Pour ne pas qu'il nous dévore insidieusement et à son rythme, morceau par morceau, jaillissant à la lueur de circonstances favorables, pour ne laisser de nous qu'un reste d'humain terrorisé par son propre reflet.




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38 commentaires:

Anonyme a dit…

Hi hi hi, de bon matin, je suis la première à laisser un message...faut dire que je triche un peu..je n'ai pas encore lu ton article...allez c'est parti, je l'imprime et on en reparle !!

A+

Anonyme a dit…

Moi, je l'ai lu :) et c'est toujours aussi passionnant... et on en revient au monstre caché qui se tapit en chacun de nous et qu'il faut reconnaître pour mieux le garder en cage mais t'en as dont les monstres sont plus gratinés que d'autres, tout de même: ceux que tu cites l'attestent!

Je me souviens que, Gamine, la première fois que j'ai entendu l'histoire de Gilles de Rais, mon sang s'est glacé parce qu'adepte des histoires de vampires, je les croyais juste sorties de l'imagination prolifique des auteurs de romans et BD que je lisais... mais quand on découvre que les monstres cachés sous le lit, prêts à nous croquer les pieds ne sont que des êtres humains... c'est un choc pour chère petite tête blonde et en même temps, salvateur parce que contrairement à ce que disait votre bigote grand-mère quand elle vous a vu décortiquer cette pauvre sauterelle, vous n'ètes pas un monstre qui va se prendre une rouste divine, mais juste un être... humain ( non, je ne décortique plus les sauterelles et j'apprend même à mes poussins à respecter la nature...)

Anonyme a dit…

La précision sur le fonctionnement du pal me fait repenser à ce dialogue (approximatif) de Robin de Bois princes des voleurs avec Kevin Costner (chacun ses sources):
- (le méchant shérif):" Je vais lui arracher le coeur à la petite cuillère.
- (son stupide second): Mais pourquoi à la petite cuillère?
- Parce que moins ça coupe et plus ça fait mal, idiot."
Sans parler du fait qu'il n'y avait sans doute pas de petite cuillère à l'époque. Je m'égare.

Anonyme a dit…

comment ça épisode 4 ? Iléou le 3 ??? j'ai loupé quelque chose ?

signé Free/Tournesol...

(j'ai pas encore lu je reviens dans les commentaires quand c fait, mouarf !)

bisouuuuuuuuus

Gaëlle a dit…

Coucou Vanessa ! Ravie de te trouver là de bon matin pour inaugurer mes commentaires ! Bon, maintenant, tu reviendras quand t'auras lu, ok ? En plus avec ton cursus d'étudiante en histoire, tu vas pouvoir dénombrer les âneries qui se sont glissées dans mon texte, c'est d'utilité publique ! Bises...

A Doune : oui, quand on découvre que Dracula, Barbe Bleue et tous les ogres ont existé pour de vrai ça fait un choc... et moi aussi, j'ai décortiqué quelques sauterelles, quand j'étais petite... je jouais au "laboratoire"... je voulais voir comment c'était fait à l'intérieur... quand je lis ensuite les mots d'Isabelle Sorente, je me dis qu' heureusement que je me suis arrêtée aux sauterelles...

Lisa : ta référence est pleine d'à propos et l'image de la cuiller, anachronique ou pas, n'eût pas déplu à l'humour noir de Dracula ! Bonne journée !

Coucou Free ! Grâce à toi j'ai rectifié mon erreur... J'ai terminé mon post ce matin vers 1h30 du mat, dans un état quasi somnambulique, et j'avais compté pour épisode 3 le billet d'Holly ... Pas gonflée la fille de s'attribuer le travail des autres ! En tout cas merci, je vois que tu es très attentive ! gros bisous.

Sébastien Hayez a dit…

La petite cuiller était rouillée je crois dans le film ?…

Tout cela est très explicite, on dis aussi que Vlad a cloué vivant le crane d'un Turc ne n'avait pas enlevé son couvre-chef.
Aujourd'hui encore il est vénéré, on trouve des timbres a son éfigie, il est l'équivalent d'un Napoléon pour les Valaches !

Osera-tu analysé les symboles du reflet inexistant et de la métamorphose en chauve-souris ?… ;-)
Merci pour cette bonne lecture !

Gaëlle a dit…

A Slumblogger : Oui Vlad a fait cela, parmi bien d'autres cruautés raffinées... et au temps de Ceaucescu, autre fameux vampire de l'histoire, il était consacré héros national et interdiction formelle était faite de mentionner le vampire... On retrouve bien cette relation ambiguë, en Europe de l'est, partagée entre le héros national et la légende noire bien embarrassante, dans le roman d' Elisabeth Kostova.
Quant à analyser ces symboles de l'absence de reflet et des métamorphoses animales, qui plongent leurs racines dans la mythologie allemande (où règne le totémisme) mais aussi dans d'autres mythologies, mon pauvre, je n'aurai pas le temps ! Je ne peux pas être exaustive... j'aurais trop peur de lasser, à force, et puis j'aimerais aussi parler d'autre chose... mais si tu veux t'en charger, comme Holly l'a fait pour Nosferatu, ce sera volontiers, je mettrai un lien vers ton site et vers ta contribution. Toutes les contributions sont bienvenues, je le répète... Merci de ta visite et bonne journée !

Sébastien Hayez a dit…

Oula, je suis bien trop mauvais à l'écrit… Et j'ai lu sur les vampires il y a déjà longtemps…
C'est juste enrichissant de voir ce sujet traité par d'autres…

Je lirai la suite !

Holly Golightly a dit…

Je suis sans voix et essoufflée !
Tu es insatiable.
Honnêtement, je suis sans bras devant le travail et la profondeur de ton écrit.
Je vais l'imprimer pour le relire parce que c'est vraiment exceptionnel.
J'espère que tout le monde se rend compte de l'énormité du travail.

Anonyme a dit…

vui, quel travail !!!

une petite réflexion personnelle :
tu parles de "printemps des monstres, à l'heure de leur éclosion, que nul ne peut prédire avec exactitude". Ne le sommes-nous pas depuis notre nuit des temps ? En fait je pense que nous avons plus de mal à dompter notre animalité que nous ne le croyons.

A mon avis, avoir été livré à mehmed à 13 ans n'est pas tout à fait étranger à ce qu'est devenu Vlad. Ces coutumes de donner ses enfants en otages lors de "traités de paix" est un des trucs les plus barbares qui soient...
Et ces temps n'étaient déjà pas tendres en famille, je n'ose même pas imaginer ce qui se passait dans le coeur et la tête de ces pauvres gosses qui arrivaient dans un endroit inconnu, sans comprendre pourquoi, qui ne parlaient pas la langue, ne connaissaient personne. Yavait sans doute de quoi devenir fous. La preuve...

je connais bien le monstre. Je l'ai cotoyé de fort près. le désir de vengeance est normal. Ce qui n'est pas normal, c'est qu'il s'exerce sur des innocents pour préserver l'image des vrais bourreaux... c'est ce que font tous les psychopathes : ils déclarent adorer leurs parents uo les personnes qui les ont élevés...

je hais cette société dans son aveuglement, son hypocrisie, son acharnement à ne pas défendre et à "bouc-émissariser" les plus faibles, ceux qui ne peuvent que fermer leur gueule...
et c'est lent à changer.

groumpf. ya des trucs qui me mettent en colère. Je condamne les actes de Vlad Tepes et tout autre saligaud. Mais je comprends pourquoi et comment ils en sont arrivés là...
Quand on a été victime totalement impuissante, être bourreau totalement puissant apporte une certaine ivresse, sans doute. Combien de parents font cela en toute impunité, dans l'intimité de la famille, sur leurs propres enfants...

Alice Miller avance l'hypothèse que si Hitler avait 5 ou 6 enfants sur lesquels décharger sa rage d'enfance, il n'aurait pas eu besoin d'exterminer 6 millions de juifs... Elle exagère peut-être un peu, mais j'm'demande....

bisous, et merci pour cette fabuleuse étude !

Gaëlle a dit…

Merci Holly ! Ton compliment est sans prix pour moi. Il valait bien le travail fourni.

A Free : Bien d'accord avec tout ce que tu développes si bien, dans une vraie contribution, ce qui prouve que le sujet t'intéresse... Bien sûr qu'on ne peut aborder les "monstres" indépendamment de leur contexte, de ce qui les a faits ce qu'ils sont, en partie malgré eux. Mais toutes victime ne deviennent pas Vlad L'Empaleur, heureusement pour nous ! A noter que son frère, arraché à sa mère à 5 ans, choisi à 12 pour être "le nouveau favori" du sultan Mehmed, et qui se réfugiait dans les arbres la première fois que le sultan voulut le violer, est un cas très poignant aussi. Il finira à la solde des Turcs, armé contre son frère : un "syndrôme de Stockholm" avant la lettre, peut-être aussi une rage sans bornes d'avoir été abandonné toute sa vie par ceux qui avaient mission de veiller sur lui.
J'ajoute une petite chose : par "printemps des monstres", je n'entends pas une époque particulière, toute époque a ses monstres (ceux qu'elle mérite ?), et la nôtre malheureusement en regorge... je veux plutôt dire par là la saison de leur éclosion en l'être humain, le moment où ils cessent d'être un possible, un fantasme, pour s'incarner véritablement, aidé par les circonstances. Bises, Free, et merci !

Gaëlle a dit…

A Slumblogger : dommage... j'essaierai, si j'y pense, d'insérer quelques lignes sur la chauve-souris dans le dernier épisode ! Mais l'invitation reste à saisir. Quelqu'un est tenté ? Quelqu'un veut développer un peu les symboles vampiriques, dont la plupart remontent à la nuit des temps ?

Holly Golightly a dit…

Courage !
Fuyons !
:-)

Gaëlle a dit…

A Holly : tu parles de l'invitation que j'ai lancée, ou de la rencontre avec son monstre personnel ?... Tu n'es pas obligée de répondre à toutes mes invitations non plus, je ne voudrais pas t'accabler sous le travail ! Tu as déjà largement contribué à ma quête, et en beauté, avec Nosferatu.

Anonyme a dit…

ça y est ! J'ai tout lu ! J'y suis allée en plusieurs fois tellement c'est dense !
Tout ça me rappelle une certaine discussion sur la monstruosité que j'ai eu sur un forum (n'est-ce pas Freefounette ?).
J'ai passé pas mal de temps à fuir le monstre qui vit en moi, à l'ignorer, à ne pas croire à son existence (moi ? un monstre ? vous plaisantez j'espère ! Je ne ferais pas de mal à une mouche !). Et un jour il a bien fallu que je m'y colle. Parce que ce monstre, s'il n'est pas de mon fait qu'il ait pris vie en moi, je l'ai passablement nourri, soignée, entretenu en me croyant au-dessus de tous ces monstres célèbres qui jalonnent l'histoire...
Mais j'avais beau fuir, il me rattrappait toujours : forcément, il vit en mon sein. Je l'appelle d'ailleurs mon dragon intérieur, celui qui me fait bouillir les sangs, rugir et mugir, sortir les griffes. Je me transformais alors en preux chevalier et je tentais de le terrasser (comprenez : je refoulais ma colère). C'était compter sans la capacité d'autorégénération de la bête en plus puissant...
Et puis un jour, j'ai appris que le dragon était d'une autre nature du côté de l'Asie, qu'il pouvait être bienveillant. Alors pourquoi le mien ne l'était-il pas ? Plutôt que vouloir le terrasser, je me suis intéressée à lui, à ce qu'il me racontait, ce dragon intérieur...
Oh, ça n'a pas été facile, je me suis roussi les moustaches plus d'une fois et usé des milliers de tubes de Biafine !
Mais je pense pouvoir dire aujourd'hui que nous cohabitons de façon symbiotique : je lui apporte l'écoute dont il a besoin et il m'aide à proteger mes trésors ;o)
Bien qu'il ne crache plus de feu de façon incontrôlée, je n'oublie pas qu'il est dragon avant tout et que rien ne garantit qu'un jour ou l'autre, je ne puisse plus le calmer et qu'il prenne les commandes de ma personne...

Anonyme a dit…

Rho zutre, je m'a trompiné de bouton ! Je voulions voir l'aperçu pour corriger les fôtes pis je m'a gourrute !
Mon comm' sera donc brut de pomme (avec du ciiiiidre ! Hihi!)

Anonyme a dit…

ha.... un p'tit thé et bonne lecture, voilà une journée qui commence bien. Je vois ma valise gonfler et prendre du poids à vue d'oeil à chaque fois que je viens lire tes posts. Déjà que avant que je connaisse ton blog c'était impressionnant : la dernière fois que je suis allée en déplacement à Paris, mon sac était si lourd que j'ai cru que je ne pourais pas le décoller du sol... alors que j'étais si occupée (formation le jour, et musées, théatres, sorties.. le soir) que je n'ai pas lu une seule page.. mais je ne peux pas bouger sans livre. ALors qu'est ce que ça va être maintenant ;-)

Anonyme a dit…

Arf, la Trollette, effectivement ya pas de garantie qu'il ressorte pas, mais l'avantage quand on le connaît bien, c'est qu'il ne ressort pas n'importe quand, n'importe comment, et contre un n'importe qui "innocent"...

Comme tu sais mais Gaelle elle sait pas, moi j'ai croisé mon monstre à la naissance et pendant la croissance de ma fille, et ça, ça fout un sacré choc...
Se défouler sur ses gosses de ce que nos parents nous ont fait subir (et en plus quand ma mère m'a "dressée" j'étais tellement petite que je n'en avais plus de souvenirs), je sais ce que ça veut dire (bien que, je tiens à préciser, je n'ai jamais battue ma fille. Nan, j'avais pas besoin, je piquais des colères homériques et ça suffisait à lui faire peur, et puis elle m'entendait cogner le mur de l'autre côté...

pffffff...

C'est bien pour ça que je serais bien en peine de jeter la pierre, Pierre... "mais j'étais à deux doigts de m'énerver..." ! Arf !!!!

Zibous à tous.

Anonyme a dit…

A gaelle : Ce que tu appelles "le syndrome de stockholm" dans le cas du frère de Vlad, est à mon sens un mélange lié à la gratitude qu'on ressent tant qu'on "n'est pas mort", et aussi une vengeance perso contre ceux qui se révèlent incapable de nous aider ou de nous protéger, voire pire, dans ce cas, puisqu'il a été livré par ses propres parents. Youpi. Tu m'étonnes qu'il ait eu une grosse rage à faire sortir contre "son frère" et son peuple, qui symbolisaient ses parents, sa famille "lâcheuse"...

j'en aurais fait autant. NA !!! mouarf !

Gaëlle a dit…

A La Trolette : passionnant tout ce que tu dis, et si ça donne ça quand ça sort "brut de pomme", qu'est-ce que ça doit être quand tu te relis ! C'est vrai qu'apprivoiser le dragon est un art subtil, qui nécessite une grande sagesse et qui est sûrement la meilleure formule. Isabelle Sorente le dit très bien aussi, quand elle écrit qu'il faut se laisser traverser de temps à autre par son monstre (dans le cadre du fantasme, pas de la réalisation du fantasme, autrement dangereuse !), et ajoute : "Quand je ne fixe rien, tout peut me traverser." Sans dommages irréparables, s'entend. Accepter qu'il y ait un monstre en chacun de nous est un préambule. Apprendre à l'apprivoiser pour le rendre inoffensif est l'étape supérieure... que tu as franchie, et tu as de la chance ! Bises chère Trollette et merci pour tes visites qui enrichissent mes petits billets.

Gaëlle a dit…

A Nziem : hé hé hé... comme je l'ai dit chez toi, je me trimballe partout avec un stock de livres, comme une tortue avec une maison bien encombrante, mais je ne sais pas faire sans. Et je suis égoïstement ravie si ça devient contagieux ! Tant pis pour vos voitures dont le coffre sera plein jusqu'à la gueule... mais surtout, attention à votre dos, j'ai appris récemment qu'il y a des bornes aux misères qu'un dos peut supporter. A part ça, une provision de livres, et on tient tout l'été. C'est le bonheur. Gros bisous Nziem, et dis-moi, tu ne vas pas nous quitter pour deux mois toi aussi, comme Doune ? Non parce que ces abandons, même si je rêverai à vous barbotant dans la Manche, petites veinardes, sont un peu déprimants, quand on a pris l'habitude de ces petites visites charmantes de voisinnage...

Gaëlle a dit…

A Free : Qu'est-ce que t'en sais, si je ne l'ai pas croisé, mon monstre ?... Non, tu as raison et en même temps tort : je l'ai surtout(mais pas uniquement quand même) rencontré dans l'écriture... quand on écrit, tous les monstres et les fantômes surgissent à l'appel. Pendant longtemps, je m'asseyais sur la trappe et les entendais s'enrager en dessous. Maintenant, j'ouvre la trappe, et quand le livre est fini, je les rerentre, malgré leurs protestations. Et je vis mieux !
J'ignore par quoi tu es passée mais je devine que ça a été périlleux. Tu as traversé l'obscurité, toi aussi, de la victime à la presque tyran, et te voilà entière, et capable d'en parler. C'est beau ! Tu es forte, et généreuse de nous faire partager ce chemin difficile. Merci et grosses bises.

Anonyme a dit…

gaelle : non non... j'ai déjà la tête en vacances comme tu peux le voir (mais ça.. c'est pratiquement toute l'année ;-) mais je ne pars qu'en Aout. Et toi ? pas de vacances prévues ? tu restes avec nous tout le temps ?

Gaëlle a dit…

A Nziem : comme toi j'ai la tête aux vacances, quelques petits week-ends sont prévus en juillet pour me donner de l'oxygène, mais je ne pars que quinze jours en aout... Donc en juillet, je serai là, fidèle au poste, et au post ! Même si j'essaierai de choisir des sujets plus doux et sucrés, pour se donner l'impression d'être en vacances... ouf je vois que nous serons au moins quelques uns à rêver de vacances de concert.

Anonyme a dit…

Rohhhh, Gaelle, j'ai pas dit que tu l'avais pas croisé, me suis mal exprimée, ce que je voulais dire c'est que toi tu sais pas comment moi j'ai croisé le mien !
arf !

Roooooh, t'es susceptible, toua, petite, tu me plais ! (j'aime bien Astérix et Obélix, aussi, entre deux thrillers, arf !)

Sinon à part ça, pour nous, vacances à la maison, vu que mon mari va donc rester une semaine en clinique à partir du 6, epi après ça deux semaines de convalescence... Mais bon, l'année dernière on a investit dans une piscine bois... heureusement !

ça serait juste bien qu'il arrête de faire un temps pourri, koaaaaaa !

Donc chu contente que yen ait, des bloggers, qui restent par là ! Kelle égoaste je fais !

;-)))

Gaëlle a dit…

Susceptible, moi ?... Meuhnon. Mais j'aime bien Obélix, et surtout Idéfix. Un chien qui aurait pu s'entendre avec le chat de la Grande Bringue de Doune.

Alhya a dit…

et ben, tu vois, toute la semaine j'ai attendu d'avoir suffisamment de neurones de disponibles pour profiter pleinement de ton billet qui est très très dense... et évidemment intéressant. J'ai beaucoup appris en le lisant, mais je vais le relire, pour bien en saisir toutes les nuances... quant à la question de savoir si je pourrai affronter totalement un jour mon monstre intérieur...ouach! tout un programme! j'essaie... mais il y a du travail! Félicitations pour ce beau billet!!

Gaëlle a dit…

Merci chère Alhya !Je suis touchée ! Affronter son monstre intérieur n'est ni aisé ni rapide : il faut l'apprivoiser, longuement, par petites touches, je dirais avec compassion. Je teste cette méthode pour ma part, avec des débuts prometteurs, mais je ne suis pas au bout, j'ai bien l'impression que c'est une entreprise au long cours... enfin je remarque que ses temps d'éveil et d'agressivité sont plus courts. Il se laisse endormir par mon pacte d'indulgence. Je crois que je tiens le bon bout. Je te tiens au courant, mais je pense que toi aussi, tu as de bonnes chances d'y arriver. Grosses bises petit Alhya, et merci pour ton gentil message !

hors landau a dit…

Holà...le sadisme d'un pervers est toujours justifié et sincère! Certes, il jouit, mais aussi de la conscience d'avoir "bien agi"...Vlad Tepes étati sans doute aussi sincère qu'Hitler et la jouissance sadique est toujours morale! Il s'agit généralemetn de "purifier le monde" de l'"impur"...

D'autre part, sur vlad,il y a tus ces jolis peits livres allemands, avec de très belles gravures sur bois qui sont aussi une propagande contre lui et ce qu'il représente: le pouvoir des voivods... Et aussi: il nous est difficile de juger els crimes passés! LEs mentalités ont changé! Et ce fuent les mêmes mopines qui dirigèrent l'inquisition et qui soignaient les malades, les lépreux, donnaient à manger aux pauvres...Pour eux, la torture était une souffrance infligée pour sauver le "patient" et de le rendre digne du christ! Il s'agisait de pitié! D'une aide à être sauvé, le tout avec une foi on ne peut plus sicière... Ca nuos paraît affolant, mais c'est aisi! On torturait par... "amour"! Aujourd'hui, o parlerait, certes de pervesrsité... MAis un bourreau purvit cihabiter dans un seul être avec l'abbé Pierre...

ce qu'on repriche à Vald ,'est pas d&évoir empalé, mais de l'avoir fait trop... Et, de la part de ses accusateurs, d'avoir empalés leurs copains! Ce qui n'empêchait pas qu'on se torturait aletemetn dans tous les camps...
L4acienen Chine faisait cela à encore plus rande échelle: o,n en arrive à des centaine d emille, voire^pmis, et même à 20 million de torturés, tués, exécutés durant la guerre des boxers...
Ce qui me pasionnerait, ce serait d'imaginer les converstion entre Chrurchill t sonprof de peonture... il s'agissait de Sickert, grand peintre mais il semble, d'après PAtricia Cornwelle, qu'il ait été le vrai Jack l'éventreur... Quelle étrange rencontre!
Il ne s'agit pas forcément, pour Vlad et d'autres de justifier le sadisme,mais que le sadismme justifie lafi, la croyance,le but: plus on comabt d'une façon spectaculaire, plus on est fervent, plus on tue, plus on sert le Seigneur... je ne sis lus quel amiral arabe de la conquête en Afrique offrait les cadavres torturés à Dieu... IL ne fut pas le seul!
JE pense qu'il vaut mieux éviter de rencontrer ces gens-là

Bonjour d'un vieil écrivain à une jeune! Bonne journée à vous!

orlandoderudder.canalblog.fr

Gaëlle a dit…
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Gaëlle a dit…

Bonjour et bienvenue Hors Landau, ou Orlando, bref, ravie d'accueillir un nouveau venu ! Et surtout merci de votre amicale visite et de votre message, vraie et riche contribution à mon billet ! En fait je vous lis et je nous trouve assez d'accord, non ? Juste deux ou trois petites choses où je ne suis pas complètement d'accord : je ne suis pas sûre que le sadique ait bonne conscience... N'oublions pas que Gilles de Rais a confessé ses crimes de la guerre de cent ans avec les autres, les mettant à égalité, ce que ses juges n'ont pas voulu entendre car certains crimes étaient "absous" par la guerre sainte... la guerre sainte, qu'elle soit religieuse ou laïque, absout le sang et le massacre pour la plupart des gens, mais il me semble que certaines personnes très intelligentes (dont l'Empaleur fait partie, Gilles de Rais aussi sûrement : sa lucidité en est la preuve.) ne sont pas dupes de cette "absolution". Ceux qui ont la conscience propre, c'est rarement ceux qui enfoncent la lame dans le corps d'un homme. Plutôt ceux qui ordonnent la mort en signant une lettre, en donnant l'ordre à des sous-fifres d'appuyer sur un bouton qui fait exploser une bombe, les criminels de bureau, les papes qui envoient des bulles autorisant le massacre de pauvres gens "pour la santé de leur âme"...ceux qui passent entre les mailles du filet, tandis que les assassins qu'ils ont commandités sont tôt ou tard rattrapés. Le sadique jouit, c'est évident. Mais il rêve aussi sûrement d'être foudroyé sur place un jour ou l'autre, lorsqu'il a fait le tour de choses, atteint le fond du fond, là où tout n'est que néant, catalogue des horreurs perpétrables...et où sa solitude profonde ne rencontre plus nul écho.
On est son pire ennemi. N'avoir plus que soi au monde à qui parler est une punition infernale.
Sinon, foi et sadisme ont eu si souvent partie liée dans l'histoire qu'il n'est jamais inutile de le rappeler, n'est-ce pas ? Ce thème reste actuel car il est éternel, comme est éternelle la sauvagerie de l'homme. Vous dites avec raison qu'il faut se garder de l'anachronisme et replacer les hommes dans un contexte, mais ça n'empêche pas le jugement, tout de même... surtout quand de nos jours, les mêmes causes servent les mêmes effets ! L'histoire est une source d'enseignement très précieuse. Et puis, dès lors que certaines églises édictent des dogmes d'infaillibilité pontificale rétroactifs... il me semble que ça autorise à inventorier toutes ces bulles papales qui envoyèrent infailliblement périr tant d'innocents sur les bûchers.
Je suis ravie d'avoir fait votre connaissance, et irai vous rendre visite chez vous. Revenez quand vous voulez, la discussion reste ouverte, et inépuisable !

Anonyme a dit…

De bon matin ou à la tombée de la nuit, ce que tu explores là glace mon petit sang fragile...
Je trouve la question du basculement de l'âme humaine du respect de la loi au crime, puis à son paroxysme qu'est le génocide, passionnante. Je m'y suis moi-même beaucoup intéressée au sujet des camps d'extermination, à travers la lecture de Si c'est un homme, de L'écriture ou la vie, ou Maus entre autres... Et puis j'ai fait des débats avec des classes de CM sur le sujet. Les enfants posent toujours des questions pertinentes, comme : "Mais qu'est-ce qu'ils faisaient des bébés quand ils arrivaient au camps ?".
Toujours est-il que ton exploration du cerveau de ces grands criminels m'a tenue devant mon ordi jusqu'à minuit, ce qui n'est pas peu dire sur le pouvoir de fascination que ton écriture et les sujets que tu traites exercent sur moi ! J'adore !

Gaëlle a dit…

Les enfants ont le don pour poser des questions très difficiles aux adultes... Merci de ton commentaire Miss Poivert, ça me touche profondément. C'est un thème qui m'est cher, ce basculement dont tu parles. Je me suis aussi beaucoup intéressée aux camps d'extermination, et dernièrement j'ai vu un film superbe et atroce à la fois "Disparitions" de Christopher Hampton avec Antonio Banderas et Emma Thompson : sur la dictature de la Junte en Argentine... je ne pense pas que je le reverrai tant c'est dur ! Je pense souvent aussi à tous ces "bons pères de famille" qui allaient tirer sur des familles après leur avoir fait creuser leur tombe au préalable, à Baby Yar, sur le front de l'Est...ils étaient dans la Wehrmacht, ce n'étaient même pas des gradés SS assoiffés de crimes... je pense aussi souvent à Eichman et à l'excellent film constitué d'images d'archives de son procès... cet homme nous permet d'identifier le criminel de bureau. Sa sincèrité est terrifiante. Un documentaire sur l'affaire Enron, récemment, m'a paru dangereusement proche de ces abominations... le danger est toujours là. Le crime se perpétue, quelque part. Il faut être aux aguêts. Toujours. Avoir une conscience est une rareté, de nos jours. Se sentir responsable de ses actes aussi. Merci encore, miss poivert , pour ton commentaire ! je ne savais même pas que tu enseignais ! Voilà un métier exigeant et capital s'il en est.

Anonyme a dit…

De rien, Gaëlle ! En plus, tu me donnes bien des pistes intéressantes... C'est chouette !
PS. Je ne suis pas instit, juste une bibliothécaire un rien perfectionniste, qui pousse jusqu'au bout du bout les animations en partenariat. C'est ainsi qu'en fin d'année dernière, connaissant bien les enfants et les instits, j'ai proposé une séance sur la déportation, où je lisais des extraits de livres jeunesse sur le sujet, et proposais aux enfants de réagir à cette lecture.
A très très bientôt (je continue ma lecture chez toi, là) !

Anonyme a dit…

Salut Gaëlle !
J'ai provisoirement abandonné le monde des blogs, cette année, pour cause de changements divers et variés, mais je n'ai pas oublié cette très belle série de textes sur Dracula et ses incarnations littéraires. Aussi, dernièrement, quand j'ai vu L'historienne et Dracula sur une table de présentation de la bibliothèque où je travaille, j'ai saisi l'occasion de suivre le chemin que tu me proposais. Je suis actuellement en train de finir le premier tome, et je ne suis pas déçue. Tu m'as si bien convaincue, que j'ai derechef acheté un coffret de romans vampiriques, et puis le Dracula de Matei Cazacu. De plus, je suis devenue récemment accro aux films de cinéma bis que je vais voir à la cinémathèque française, ou sur Ciné Fx (en ce moment, ils n'arrêtent pas de passer des films de vampires).
Donc, un grand merci, Gaëlle, de m'avoir donné l'envie et les moyens de faire ce beau voyage...
A bientôt !

Gaëlle a dit…

C'est moi qui te remercie, miss, d'être venue me donner de tes nouvelles d'abord... et de venir me dire longtemps après l'écriture de ce billet qu'il t'a permis de découvrir certains livres, je dois dire que ça me touche beaucoup ! Je garde un excellent souvenir de cette série sur Dracula et j'aimerais bien en écrire d'autres sur d'autres sujets.

Unknown a dit…

J'espère que tu trouveras le temps de t'investir sur une autre série aussi fouillée, c'était vraiment un régal de te lire, et c'en est un de suivre tes pas.
A bientôt !

Gaëlle a dit…

Oui voilà, le problème c'est le temps... mais je penserai à toi pour me motiver, c'est promis ! Bises et à bientôt.